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Dogme vs Médecine fondée sur les preuves: méthodes d'administration et concentration de mitomycine C en chirurgie du glaucome


La mitomycine C (MMC) est un agent antifibrotique utilisé depuis longtemps comme inhibiteur de la prolifération des fibroblastes au moment de la chirurgie du glaucome. Depuis le début de son utilisation, des controverses existent.

Étant donné que le surdosage de MMC peut entraîner des fuites au niveau de la bulle de filtration, des blébites et/ou une hyperfiltration, et qu'une sous-utilisation peut conduire à un échec de la chirurgie par excès de fibrose, trouver le bon dosage et le bon mode d'administration est le Saint-Graal de tout chirurgien du glaucome.

Le défi consistant à trouver la dose idéale de MMC dans le cadre d’une médecine basée sur les preuves réside dans la variabilité des techniques chirurgicales et des protocoles d'application de la MMC. Les variables de ce protocole  sont la concentration, la durée d'application et la méthode d'administration, notamment le nombre et l'emplacement des éponges imbibées de MMC.

Des auteurs ont récemment rapportés l'utilisation de MMC injectée directement en intra-ténonien.

Comble de la difficulté à comparer les données publiées dans la littérature, de nombreux chirurgiens  adaptent leur protocole en fonction de l'ethnie du patient, de son âge ou d'autres facteurs de risque de cicatrisation excessive (uvéites, oeil déjà opéré ...), rendant les résultats difficilement comparables.

 

 

Premier dogme : les chirurgiens doivent faire varier la concentration et la durée de la MMC en fonction du risque spécifique du patient.

 

En ce qui concerne la concentration et la durée de la MMC, les chirurgiens disposent d’une grande variété de protocoles. La concentration de mitomycine C varie dans les études publiées de 0,02 mg/ml à 0,4 mg/ml et sa durée d'application varie de 30 secondes à 5 minutes.

Des protocoles de modification de la concentration et de la durée basés sur un système de points attribué à différents facteurs de risque ont même été développés et étudiés (Moorfields Safer Surgery System).

 

Certaines études suggèrent que des doses et des temps variables peuvent donner des résultats différents. Robin et al. ont étudié 4 groupes: placebo, 0,2 mg/mL pendant 2 minutes, 0,2 mg/mL pendant 4 minutes et 0,4 mg/mL pendant 2 minutes. Ils ont conclu qu'une augmentation de la posologie présentait un léger bénéfice en terme de PIO post-opératoire. Ils ont également montré une augmentation des complications avec les doses et les temps plus élevés. D'autres études semblent montrer que la concentration de 0,2 mg/mL serait la plus efficace.

Bien que ces quelques études démontrent une tendance à une réponse liée à la dose et à la temps d'application de MMC, d'autres études montrent le résultat inverse.

Les données publiées à l'heure actuelle ne permettent pas d'affirmer qu'une concentration ou un temps d'application plus important de MMC donnent de meilleurs résultats en terme de diminution de la PIO ou de taux de succès de la chirurgie.

Habash et al., dans une revue de la littérature en 2015, ont conclu que «la plupart des études semblent suggérer que des concentrations plus faibles de MMC et des durées d'exposition plus courtes sont aussi efficaces pour obtenir des PIO basses par rapport à des concentrations plus élevées et à des temps d'exposition prolongés. En revanche, des concentrations plus élevées de MMC et des durées d'exposition prolongées peuvent être associées à un risque plus élevé de complications. »

Bien que les études sur la dose et la durée soient quelque peu contradictoires, il est probable que la nécessité d'adaptation des doses et des temps d'exposition à la MMC résulte d'un raisonnement dogmatique non étayé par la littérature scientifique.

 

Deuxième dogme : l'utilisation d'éponges sous-conjonctivales est la méthode la plus sûre et la plus prévisible pour administrer la MMC.

 

Au cours de la dernière décennie, le dogme consistant à utiliser des éponges imbibées pour appliquer la MMC dans l'espace sous-conjonctival a été remis en question. Certains chirurgiens ont remplacé cette pratique par l’injection pré-opératoire de MMC dans l’espace sous-conjonctival.

La durée d'application de MMC avec des éponges suivie d'une irrigation abondante est traditionnellement une procédure recommandée. La croyance ancienne selon laquelle une exposition prolongée conduirait à une surexposition, augmentant ainsi les risques d'hypotonie et de blébite, a contribué au maitien de cette pratique.

 

Bien que ces réserves soient compréhensibles, plusieurs études ont prouvé non seulement la sécurité de l'injection de MMC, mais également les bénéfices proposés avec cette approche thérapeutique. Khouri et al., dans une étude comparative, ont montré une absence de différence en terme de complications et de résultats pressionnels. De plus, ils ont démontré que le groupe ayant bénéficié d'une injection intra-ténonienne de MMC présentait un taux moins élevé de needlings. Dans une étude prospective, Pakravan et al. ont également présenté des résultats de sécurité et de PIO équivalents, mais cette étude a également montré une morphologie de la bulle de filtration plus favorable, avec des bulles plus étendues et plus diffuses.

 

L'injection intra-ténonienne de MMC offre les avantages supplémentaires d’une réduction du temps opératoire, et d'une garantie que le patient reçoit la dose de MMC prévue, en évitant les risques de pertes d'éponges.

Compte tenu de ces avantages et de l’amélioration des résultats, le dogme en vigueur concernant l’utilisation des éponges devrait être remplacé par l'injection intra-ténonienne de MMC, sans arrière-pensée en terme de sécurité ou de résultats pressionnels post-opératoires.

 

Bibliographie :

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Quentin de Bosredon

 

 

 


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